Heureux celui qui a appris à rire de lui-même : il n’a pas fini de s’amuser. Jacques André Bertrand
Parmi les 33 cartes questions du jeu Punctum de Points of You il y a celle-ci : “Qu’est-ce qui me fait rire ? ”. Elle est intrigante cette question non ? Qu’en pensez-vous ? Surtout quand on la tire au hasard…. En la mariant avec une image – si possible tirée au hasard elle aussi – vous pouvez commencer à réfléchir, à vous observer et finalement vous confronter à cette question. Est-ce que je ris davantage des autres ou de moi ? Je me suis prêtée au jeu… je partage avec vous ma réflexion.
Une posture de vie au service de l’acceptation de soi
Je suis une grande adepte de l’autodérision. C’est véritablement une posture que je choisis pour traverser la vie. C’est mon arme secrète pour rester positive, lucide et humble à la fois. Me moquer de moi-même c’est la garantie de ne pas me prendre au sérieux. Quand on fait preuve d’autodérision, c’est qu’on adopte une posture de décalage, d’auto-observation. En ce qui me concerne, je me vois d’en haut quand je m’observe. (Pour une fois que je peux voir d’en haut, moi qui ne dépasse par 1,60 m j’en profite !) Quand je ris de moi c’est que je m’observe agir. C’est que je porte un regard sur mes modes de fonctionnement, ceux en particulier qui me desservent et me fatiguent et qui me mettent dans une posture inconfortable quelque fois. Et justement, en prenant le partie d’en rire, je me permets de m’en distancier car c’est la meilleure manière de les enrayer. Pratiquer l’autodérision est finalement une forme d’acceptation de soi. Je me juge certes, mais de façon bienveillante. En observant, nommant, riant de mes défauts et de mes travers, je m’accueille telle que je suis, complète et imparfaite. Et ce faisant, c’est une marque d’amour.
“Le rire est un tranquillisant sans effets secondaires.” Arnold H. Glasgow
J’aime cette phrase car je ne vois que des avantages au rire et à l’autodérision. C’est à la fois un puissant déstressant et aussi un gage d’humilité car en reconnaissant ses manques, on ouvre la voie à la croissance, l’apprentissage et au progrès continu. Car bienveillance ne veut pas dire complaisance.
L’autodérision comme outil de résilience
Beaumarchais disait
“L’habitude du malheur. Je me presse de rire de tout, de peur d’être obligé d’en pleurer.”
L’autodérision peut renforcer la résilience émotionnelle en permettant de prendre du recul par rapport aux défis et aux revers de la vie. Plutôt que de se laisser abattre par les échecs ou les critiques, pratiquer l’autodérision permet de relativiser les situations difficiles et de rebondir plus facilement. Il ne s’agit pas de se voiler la face. L’humour permet de reconnaître que cela arrive et que l’on va survivre face aux drames. Depuis plusieurs semaines, je traverse aux cotés d’un membre de ma famille très proche une période dramatique et douloureuse, où sa vie était tout simplement en jeu. Même au plus creux de la vague, avec mes frères, nous avons continué à blaguer, à rire, à défier ce mauvais sort. Il serait pourtant si facile de s’apitoyer, et de pleurer sur l’injustice de la vie. A quoi sert de lutter ? tout en pleurant, il s’agit aussi d’accepter de rire, toujours, pour faire triompher la vie.
L’humour au service du coaching
Pratiquer l’humour en coaching a également ses avantages. Il peut être mis au service de la création de l’alliance avec son coaché. Il permet de faire passer des messages de recadrage en douceur. D’apporter de la légèreté dans des moments potentiellement chargés d’émotions difficiles.
L’humour peut être utilisé pour explorer les croyances limitantes de manière plus douce et moins menaçante. Par exemple, en se moquant gentiment de soi-même, un client peut être plus ouvert à remettre en question ses propres pensées ou comportements.
Le piège cependant serait d’imposer sa forme d’humour qui est par essence une construction culturelle. Ce qui me fait rire, ne te fait pas forcément rire. On a tous essayé de traduire une blague à un ami étranger, qui poli, s’est contenté d’un sourire en réponse, passant totalement à côté des références et codes propres à mon pays.
L’humour en entreprise est un vecteur de cohésion sous-utilisé
Osons rire de nous-même
Dans le monde complexe et souvent stressant de l’entreprise, le rire et l’autodérision ne devraient pas seulement être des plaisirs occasionnels, mais plutôt des piliers essentiels de la culture organisationnelle. En tant que coaches, nous sommes souvent les témoins privilégiés des dynamiques qui régissent les équipes et les individus au sein des entreprises. Dans cette observation, il est clair que le rire et l’autodérision jouent un rôle vital, non seulement pour maintenir un environnement de travail sain, mais aussi pour favoriser la créativité, l’innovation et la résilience.
Pourtant, dans un article paru en Janvier 2024 Vanessa Marcié nous dit que l’humour est un atout organisationnel sous-estimé et sous-utilisé, comme le révèle l’étude réalisée par LinkedIn auprès de 2.248 actifs français. En effet, pour plus de trois quarts des professionnels en France (78 %), l’humour est l’émotion la plus sous-estimée et la moins valorisée au travail. Il est vrai que dans de nombreux lieux de travail, le sérieux est attendu, promu et vénéré au point que nous devons tous laisser une partie de notre personnalité à la porte du bureau afin de nous conformer à ce qui est attendu de nous.
Un ciment social gratuit
Le rire est bien plus qu’une simple libération d’endorphines ou un moment de détente. Il agit comme un ciment social, renforçant les liens entre collègues et créant un sentiment de camaraderie. Lorsque nous rions ensemble, nous partageons des expériences communes, des moments de légèreté qui transcendent les hiérarchies et les différences. C’est dans cet espace de connexion que naissent souvent les idées les plus brillantes et les solutions les plus innovantes. Je me souviens d’un coaching d’équipe où j’avais proposé une caisse de déguisement comme accessoires potentiels d’une scènette à jouer en lien avec la thématique du jour. La directrice a osé la perruque bleue, a libéré son enfant intérieur. Médusés d’abord, séduits ensuite, libérés dans la foulée, l’équipe s’est sentie autorisée à jouer sur le registre de l’humour et ce moment est resté dans les mémoires.
L’autodérision du leader : une autorisation à l’imperfection
L’autodérision du manager, quant à elle, est selon moi un acte de courage, d’humilité… et de maturité. En se moquant de soi-même de manière saine et constructive, on démontre une ouverture d’esprit et une capacité à apprendre de ses erreurs. On accepte de lâcher ce fantasme du manager tout-puissant, qui sait tout et ne fait jamais d’erreurs. Dans un contexte professionnel, s’adonner à l’auto-dérision à bon escient crée un environnement où l’échec n’est pas stigmatisé, mais plutôt perçu comme une étape naturelle du processus d’apprentissage et de croissance. Les leaders qui pratiquent l’autodérision montrent l’exemple et encouragent leurs équipes à prendre des risques calculés, sachant qu’ils seront soutenus même en cas d’échec.
Intégrer le rire et l’autodérision dans la culture d’entreprise, c’est introduire cette posture de décalage, d’observation et de méta-communication que nous les coaches apportons aux équipes pour qu’elles prennent conscience d’elles-mêmes. En introduisant cette posture, nous pouvons aider à créer des environnements où les individus se sentent plus enclins à partager leurs idées, à prendre des initiatives et à collaborer de manière authentique. Cela favorise également un sentiment de bien-être au travail, réduisant le stress et l’épuisement professionnel.
A votre tour maintenant, je vous propose de réfléchir à votre rapport au rire à partir des outils Points of You 👇
La question est simple : « Qu’est-ce qui me fait rire ? »
Répondez à partir de ce que vous évoquent le mot PARDON et la photo ci-dessous.
Hélène Babok-Haeussler