par Judith Sitruk, Coach certifiée PCC ICF, Country Leader et formatrice certifiée Points of You® France.
L’essence même des outils Points-of-You® est de permettre à chacun de projeter dans les images ce qu’il est, ce qu’il pense et ce qu’il ressent. Au Japon, c’est non seulement vrai, mais aussi très utile, voire de salubrité publique.
J’ai eu l’immense chance de me trouver à Tokyo lors du lancement de la version japonaise du jeu The Coaching Game, il y a quelques années. Et lors de l’atelier qui était organisé à cette occasion, nous avons utilisé le jeu Punctum qui venait de sortir et n’était pas encore traduit. En discutant autour des images avec Ichii, notre homologue japonais et plusieurs coachs présents, il est apparu comme évident que certaines images ne pourraient pas trouver leur place dans la version finale. Elles étaient considérées comme totalement inappropriées. J’ai pris cette information sans trop poser de questions, de peur de paraître moi-même inappropriée.
Quelque temps après, 8 nouvelles images sont apparues dans la nouvelle version du Punctum, en remplaçant 8 autres.
Puis, lors d’un colloque Points of You® en Israël en 2017, Ichii nous a proposé un atelier dans lequel il nous expliquait le « Kawaï » : la société japonaise est fondée sur des valeurs d’obligation morale très importantes, où le sens de l’honneur est ancré. Ces règles fondamentales qui régissent la vie d’un japonais leurs sont enseignées dès le plus jeune âge et sont incontournables pour faire partie du tout. Le tout étant le pays, l’école, le quartier, l’entreprise, etc…
Il y est question du respect des aînés et de l’environnement et surtout d’une certaine manière de « lire l’air », c’est-à-dire de s’adapter à l’ambiance et aux règles implicites du lieu pour s’y conformer absolument et en faire totalement partie.
Ce Kawaï poussé à l’extrême (et cela ne semble pas si rare) peut amener un employé incapable de s’adapter à un nouveau service par exemple, de se retrouver totalement en dehors de la vie sociale et en arriver à se suicider de honte et/ou de solitude.
Ce qu’apprennent surtout les japonais, c’est à rationaliser et réguler leurs émotions. Ils peuvent être contents, très contents voire très très contents… mais ils n’iront pas beaucoup plus loin pour deux raisons. La première – et c’est une spécialiste japonaise de l’intelligence émotionnelle qui nous l’a expliqué – parce que les Japonais ne disposent pas dans leur langue d’une palette de vocabulaire émotionnels aussi large que celle que nous pouvons utiliser, nous, en France. Tout ne passe pas par les mots au Japon. Les Haikus, poèmes bref inspirés de l’émotion du moment, ont justement été créés pour libérer les émotions. La deuxième raison est simple : l’expression des émotions en public semble en fait quasiment proscrite.
Cependant, un de mes collègues japonais m’a expliqué : « En devenant adultes, nous apprenons à nous contrôler, mais le besoin d’être entendu ne disparaît jamais ».
Et c’est là que l’énorme* engouement des japonais pour les outils de Points of You® trouve ses racines : les photos deviennent un moyen détourné d’exprimer ses émotions, dans un contexte de déficit ou plutôt de trop grande maîtrise de ces mêmes émotions. « Ce n’est pas moi qui le dis, c’est la photo que je vois là qui le fait sortir de moi ». On peut enfin dire les choses, ou du moins essayer.
J’ai surtout eu l’occasion de travailler avec des coachs japonais, donc des personnes qui avaient déjà fait un chemin vers leurs propres ressentis. Et cependant, leurs réactions -gêne, sourires ou rires un peu forcés, parfois des larmes- étaient presque toujours accompagnées d’un étonnement très sincère devant ce qu’ils exprimaient, et un vrai plaisir de pouvoir le faire.
Devinez ! Ce qui est vrai pour des japonais l’est également pour des personnes de tous horizons pour qui l’intelligence émotionnelle est encore enfouie un peu trop profondément. Rien de mieux qu’une carte tirée au hasard, une phrase, un mot, une histoire et surtout une question pertinente pour aller un peu plus loin vers ce trésor caché au fond de chacun d’entre nous : nos émotions.
*les personnes formées aux outils de Points of You® se comptent par milliers au Japon.